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Blida, ville d’art et de traditions- guide albayazin

Peinture Baya
Par Tarek Chaouch

Les Andalous de Grenade n’ont pas ramené de leur Espagne natale seulement les techniques agricoles et hydrauliques. Ils avaient également dans leur bagages leurs r’bab, ‘oud et tar. Ainsi, ils firent de l’arrière-pays algérois, de Blida, mais aussi de Koléa et Cherchell, des foyers, toujours vivants d’un art séculaire.  

Entre le plectre et les notes, la lettre et la couleur.

Blida, ville des roses parfumées et des épines les plus acérées a su dialoguer avec ses voisines de l’est et de l’ouest. Blida, complice des plus belles collines et des plus belles crêtes montagneuses est souvent rude et abrupte. Pourtant la beauté lui sied dans les délicates volutes produites par Baya dans sa grâce hiératique autant que par Denis Martinez dans sa force primale. Blida, littéralement «la petite ville» a su aussi se faire élégante pour nous lancer dans de très belles aventures colorées offertes par des artistes plasticiens marquants comme Baya Mahieddine, Souhila Belbahar, Mohamed Boumehdi ou Denis Martinez…

Dans les discussions feutrées des vernissages mondains, on l’appelait souvent: «La princesse aux oiseaux». Bien plus qu’une princesse altière, Baya Mahieddine a plus été cette petite fille qui dans un coin de son cœur a toujours refusé de grandir. Baya Mahieddine, de son vrai nom Fatma Haddad, est née en 1931 à Bordj-El-Kifan, dans les eaux turquoises de la baie d’Alger, un peu à l’est.

Elle aura vécu un destin hors norme qui la fera devenir artiste peintre par un ensemble de retournements de situation. En effet, elle est orpheline à l’âge de cinq ans et se trouve adoptée par une famille française pendant la guerre de 40. C’est à l’âge de 11 ans qu’elle se met à dessiner et à peindre spontanément, piochant dans son formidable imaginaire l’inspiration pour produire un bestiaire et un univers fantasmagorique fait de princesses qui trônent au milieu d’un paradis d’oiseaux, de poissons et de plantes. En 1948, Baya fabrique des terres cuites dans la ville de Vallauris, dans le midi de la France. Ces objets ne manqueront pas de charmer Picasso lui-même. Elle continuera à ensorceller les amateurs d’art par un sensationnel allant coloré et saturé de bleus, de fuschias, de verts tendres et de jaunes limpides comme le soleil. En 1953 elle s’unit avec le chanteur-compositeur El-Hadj Mahieddine El-Mahfoud avec qui elle aura six enfants. Elle vivra dès lors à Blida et arrête de peindre pendant une décennie. Après l’indépendance, elle fera l’objet d’une rétrospective et continuera de créer et de participer à des évènements mondiaux jusqu’à cette funeste nuit d’hiver où Baya disparaît entre le dimanche 10 et le lundi 11 novembre 1998 dans sa ville d’adoption, suite à une longue maladie, et ce, à l’âge de 68 ans. Elle laissera à tous ses enfants algériens et du monde un sublime héritage d’une œuvre sensible, altière, fière et colorée, comme a su si savamment l’incarner sa créatrice.

Cette grande dame de la peinture algerienne laissera le souvenir de grandes amitiés, entreprises avec les défunts Issiakhem, Khadda… et aussi avec Mesli et Martinez qui sera un voisin et ami avisé. Ce dernier, entre le feu du signe plus fort que les bombes et la douleur de la couleur franche, n’aura de cesse d’interpréter le monde selon son inspiration. Denis Martinez est blidéen d’adoption. Il naît le 30 novembre 1941 à Mers-El-Hadjadj  près de Béthioua dans l’ Oranie. Il dessine depuis l’enfance les paysages et reproduit les scènes de la campagne oranaise. De 1957 à 1962, il vit à Blida où son père, peintre en bâtiment, devient facteur. Denis suit l’enseignement de l’École des Beaux-Arts d’Alger puis celle de Paris. A partir de 1963, il est professeur aux Beaux-Arts d’Alger, où son enseignement exerce une influence durable sur plusieurs générations d’artistes. Il participe aux premières expositions organisées après l’Indépendance à Alger et à Paris, puis à la plupart des expositions collectives de peinture algérienne en Algérie et à l’étranger. En 1964, il présente sa première exposition personnelle à Alger, préfacée par le poète Jean Sénac.

Denis Martinez est l’un des fondateurs, avec Choukri Mesli, du groupe Aouchem (Tatouage) qui expose en 1967, 1968 et 1971. Rassemblant une dizaine d’artistes, peintres et poètes. Il s’oppose aux imageries jugées démagogiques que présente la galerie officielle de l’Union Nationale des Arts plastiques, fondée en 1963, mais dont la plupart des peintres actifs ont été exclus. Dans le manifeste écrit à ce sujet,  Aouchem est né il y a des millénaires sur les parois d’une grotte du Tassili. Il a poursuivi son existence jusqu’à nos jours, tantôt secrètement, tantôt ouvertement, en fonction des fluctuations de l’Histoire. Dans un souci d’originalité prégnant, Denis Martinez sera un peintre qui s’investit longtemps dans le caractère essentiel, primordial de son art, il sera souvent estampillé comme primitif, ou primitiviste un peu comme Cherkaoui ou Sequerios qui s’emballent pour les notes dessinées les plus pures qui sans nul doute ne s’intéressent qu’à l’essence des choses. Le travail de Denis Martinez évite le trop grand réalisme des formes, mais il est fondamentalement expressif, accompagne et se fait accompagner par les gens et par ses pairs artistes, jeunes et moins jeunes. Il est une sorte de « guide»  bienveillant qui fait des actions plastiques innombrables dans un nombre incalculable d’expos collectives et individuelles. Il continue son expression vivement colorée en investissant les villes et villages de Kabylie qui restent le lieu de prédilection de son art si particulier pour lequel il s’est choisi l’animal totem qui est le lézard. Sa couleur s’expose et explose en mille et une facettes d’arcs-en-ciel qui vivent et prennent forme dans ses innombrables tracés sinueux dont le trait se fait trace. Martinez reste ancré dans le mémorial des nostalgies les plus ancestrales, le guide laisse ses traces et notre plaisir de découvrir la route avec lui reste intact.

Les artistes qui comptent se trouvent souvent issus de grandes familles qui se transmettent leur art de père en fils.

Difficile de ne point évoquer ainsi, le  «premier » de la série, des Boumehdi, père et fils qui sont à la céramique, ce que la couleur est à la peinture. Ainsi, naît le père Mohamed Boumehdi, un 13 janvier 1924 à Blida céramiste de renom, membre de l’Unap comme Souhila Belbahar, Mohamed ne cessera de prodiguer son art et de le transmettre dans son atelier, les émules ne manqueront point de lui rendre l’hommage de la transmission, et cet art se transmettra de père en fils pour créer des Boumehdi, une dynastie inscrite dans une saga familiale d’artistes céramistes marquant.

Un autre Mohamed, nommé Azzougui natif de Blida en 1912, un 19 mai, laissera aussi sa patte dans l’art de l’enluminure, membre de l’Unap et de l’association des arts appliqués, Mohamed Azzougui réalisera de nombreuses expositions individuelles et collectives et se manifestera régulièrement dans de nombreux salons des arts appliqués.  Dans un autre style, Hacène Chayani, né à Blida le 2 janvier 1943 fera aussi partie d’une fratrie d’artistes designers à l’image du jeune frère Omar qui au-delà de leur carrière de créateurs d’objets, d’aménagistes et même de décorateurs-céramistes trouveront leur épanouissement dans la transmission du savoir par une carrière valorisante d’enseignants en perspectives et autres matière au sein de l’Ecole Supèrieure des Beaux-Arts d’Alger.

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