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La chebka désolée, berceau de la pentapole du M’zab

Le M'zab Al bayazin

Quelle étrange destinée que celle de ces hommes, pourchassés, traqués, repoussés dans les recoins les plus éloignés, isolés, et qui, à force d’ingéniosité, ont transformé en paradis terrestre, l’une des contrées les plus inhospitalières de la terre.

Par la force d’une idée, née il y a plus de 1300 ans à Koufa, cette prestigieuse ville du “Croissant Fertile”, ils sont partis vers l’inconnu.

Kairouan, Tihert, au coeur du Maghreb, Isadraten n’auront été que des haltes successives d’une longue marche de quatre cents ans, un exil, forcé d’abord, voulu ensuite. Voulu par une volonté farouche de liberté, de grands espaces, de pureté et de préservation des fondements d’une pensée.

Ils créèrent la prospérité là où ils passèrent, mais préférèrent l’exode et l’austérité à la promiscuité. En matière de foi, le compromis n’est pas permis !

De leurs mains ensanglantées, ceux qu’on appelait les Ibadites et qu’on appellera désormais plus volontairement les Mozabites, grattèrent le schiste ; ils arrachèrent la pierre calcinée aux arêtes tranchantes du plateau stérile pour construire leurs mosquées et leurs habitations. 

En trois décennies, quatre cités verront le jour, perchées sur les monticules qui dominent le reg désolé : El Ateuf, « le tournant », Bou Noura, « la Lumineuse », puis, simultanément, GhardaÎa, « la Grotte de Daîa » et Melika, « la Reine ».

De nouveaux réfugiés, venus de nouvelles contrées de l’Ouest, créeront, trois siècles plus tard, Beni Isguen, « la Pieuse » et, à partir de la moitié du XVII siècle, avec le développement de la population mozabite, Guerrara et Berriane, à quelques jours de marche, accueilleront des habitants de Mélika et de Ghardaïa.

Dans ces cités, tout, moeurs, techniques, architecture, est soumis à un ordre divin.

Des oasis, créées de toutes pièces, les unes après les autres à l’écart des cités, offriront à chaque mozabite son jardin, une passion entretenue dans un subconscient collectif, unique nostalgie d’un temps à jamais révolu. C’est le jardin, ou plutôt, la maison d’été.

La patience, la discipline, l’ingéniosité et beaucoup de sacrifices ont eu raison de la nature. Un havre pour la rêverie et les jeux est ainsi arraché au désert. Il y règne paix et joie de vivre. Les palmiers, les bouquets de feuillages, de fleurs et de fruits, les allées silencieuses, les grenadiers, lourdement chargés, les abricotiers, les figuiers, les treilles aux lourdes grappes de raisins, tout cela transporte dans un autre monde et incite à la méditation.

Ce paradis terrestre n’est, pourtant, pas un caprice de la nature. 

C’est le fruit d’une formidable organisation et de beaucoup de sacrifices. Une rigoureuse économie de l’eau est nécessaire, car il ne pleut que quelques jours par an, une judicieuse répartition du précieux fluide, un fort sentiment de solidarité communautaire, n’existant nulle part ailleurs, une force morale unique puisée dans la foi, ont permis à la communauté ibadite de vivre et survivre depuis des siècles dans cet environnement calciné.

Aujourd’hui encore, le M’Zab continue d’étonner par la solidité et la vitalité des liens qui continuent d’unir tous les membres de la communauté.

Faut-il pourtant dire que les mozabites se sont installés dans une terre vierge ? La vallée du M’Zab a connu, entre la préhistoire à nos jours, différentes périodes. Plusieurs sites recèlent des vestiges qui remontent à la préhistoire, plus particulièrement le premier quaternaire, grâce aux fouilles entreprises, notamment par les professeurs Pierre Roffo et Joël Abonneau.

Plus tard, d’autres vestiges datant de la période islamique précédant l’arrivée des Ibadites, révélèrent des ksour en amont et le long de Oued M’zab jusqu’à hauteur de l’actuel Melika. Ces ksour étaient habités par des populations Zenatiennes, Les Beni Moça’ab, qui auraient donné le nom de M’zab par déclinaison. Leurs habitations, tombées en ruine, sont datées d’avant le Xe siècle. On peut citer notamment Ksar de Talezdit (pelote de laine) près du barrage d’El Atteuf et Ksar de Aoulawal dans l’oasis même, Ksar de Agherm-N’ouadday au sud de Mélika et Ksar de Baba Saâd surplombant Ghardaïa.

Mais, et c’est ce qui fait la force des Mozabites, alors que les ksour Beni Moça’ab ne sont plus que ruines, ceux des Mozabites continuent de défier le temps. Tout laisse à croire qu’ils ont choisi leur propre destinée, leur propre appréciation de la vie sur terre.

Une organisation spatiale et socio-politique affirmée donne aux cités du M’zab une personnalité urbanistique exceptionnelle. Les Mozabites y ont transféré, quelque part, le système d’organisation urbaine de la « cité-Etat » de Tihert, la capitale rostémide, mais en modèle réduit. Mais, c’est dans l’architecture, que les cités du M’Zab présentent un exemple unique de rigueur religieuse et de dépouillement spirituel.

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